Les 30 jeux Nintendo Classic Mini

Plongez dans les coulisses du développement des 30 jeux mythiques de la NES, qui accompagnent la Nintendo Classic Mini, et partez à la rencontre de leurs créateurs mythiques.

Balloon Fight
Il nous rappelle à quel point Satoru Iwata fut un talentueux programmeur voué aux gamers

01-balloon_fightLe 12 novembre prochain sort la Nintendo Classic Mini, la réédition de la fabuleuse NES par laquelle tout a fondamentalement commencé. Elle vient célébrer trente années d’histoire vidéoludique, trente années d’une folle créativité dans le chapiteau pixelisé de Nintendo, à travers trente jeux d’anthologie préinstallés. Qu’ils s’appellent Samus Aran, Simon Belmont, Pit, Mario, Bub, Link, Little Mac ou Kirby, ces héros d’antan n’ont jamais croupi sous les moutons de poussière de nos rêves d’enfance, ils n’ont cessé d’alimenter notre passion du haut de leur statut de pionniers.

Pendant ces 30 jours, quotidiennement, je vous propose de replonger dans l’histoire, les anecdotes et les coulisses du développement de chacun de ces titres, à travers une série d’articles que je leur consacre.

Commençons sans plus tarder par le premier d’entre eux, Balloon Fight, qui nous rappelle à quel point Satoru Iwata fut, avant d’être le quatrième président de Nintendo, un talentueux programmeur s’évertuant à élever le gameplay pour le pur plaisir des joueurs.

Bubble Bobble
Plongez dans l’univers de Fukio Mitsuji et explorez la politique de licences de Nintendo

01-bubble_bobbleDans le deuxième volet de la rétrospective des 30 jeux qui accompagnent la Nintendo Classic Mini, on plonge cette fois dans l’antre de Taito, l’éditeur du mythique Space Invaders en 1978, à travers l’univers coloré et enfantin de Fukio Mitsuji et le portrait de son charismatique patron d’origine russe, Michael Kogan. Le trésor d’inventivité du jeune créateur, Bubble Bobble, autour d’un concept simple et efficace et d’un jeu à deux très accrocheur, nous permet également d’évoquer la politique de licences de Nintendo dans les jeunes années de la NES, alors que les développements étaient jusqu’alors cantonnés aux pures équipes internes.

Castlevania
La formation de Konami et la genèse du Famicom Disk System et du Disk Writer

01-castlevaniaDans ce troisième épisode, nous nous attardons sur la formation de Konami et sur l’une de ses plus belles sagas, Castlevania. Initialement sorti le 26 septembre 1986 sur Famicom Disk System – la disquette de 112 Ko de Nintendo – cet épisode culte nous permet de revenir sur la genèse de ce périphérique hors-norme et sur son système de distribution original, évidemment cantonné à l’archipel japonais : le Disk Writer, cette borne réinscriptible accessible dans les centres commerciaux et les supermarchés.

Castlevania II: Simon’s Quest
Les puces mémoire MMC de Genyo Takeda, le bank-switching et le Club Nintendo

01-castlevania2On avait laissé Simon Belmont exsangue après son combat contre Dracula, on le retrouve sept ans plus tard atteint d’une malédiction lancée par l’infâme comte au moment de pousser son dernier soupir. Le temps presse et notre héros doit donc battre la campagne transylvanienne pour mettre fin au péril qui le guette, dans l’épisode le plus atypique de la série, qui lorgne franchement du côté du jeu de rôle.

Nous sommes en août 1987 et les jeux NES gagnent en ambition – les ROM des premières cartouches ne suffisent plus à héberger toute la créativité de leurs auteurs. À travers ce quatrième article, nous évoquons ainsi l’apport à ce sujet du groupe R&D3 orchestré par Genyo Takeda, qui met au point de nouvelles puces mémoire, les MMC. Nous abordons notamment le principe du bank-switching et plus généralement la manière de composer des sprites à l’écran sur NES et de charger des données.

Et puisque Castlevania II: Simon’s Quest s’aventure sur les plates-bandes du jeu de rôle, les dialogues ont une part importante – la traduction anglaise fait parfois défaut, ce qui donne lieu à des passages quasi-insurmontables sans assistance. À ce titre, nous revenons sur la création du fameux 01.34.64.77.55, la ligne directe du « Club Nintendo » que vous aviez peut-être appelée pour vous tirer d’un mauvais pas à l’époque.

Donkey Kong
Le sauvetage de Shigeru Miyamoto, la naissance de Nintendo of America et le procès contre Universal

01-donkey_kongL’histoire prend parfois des détours amusants – c’est en qualité de sapeur-pompier, de soldat de la dernière chance, que Shigeru Miyamoto a pour la première fois démontré l’étendue de son talent créatif. En 1980, la jeune filiale Nintendo of America mise son entrée sur le territoire de l’oncle Sam par l’importation de 3000 bornes d’arcade de Radar Scope, un shoot-em-up qui devait lui ouvrir des ponts d’or. Ce fut un échec retentissant. Rappelée en toute hâte, la maison-mère doit développer un jeu novateur en un temps record, capable d’être inséré dans les bornes fautives, et seul Miyamoto est disponible. Donkey Kong et Mario sont nés de cette situation désespérée.

Ce cinquième épisode est donc l’occasion d’évoquer en détail la naissance de Nintendo of America, orchestré par Minoru Arakawa, le propre gendre de Hiroshi Yamauchi. Si Donkey Kong lui a donné des ailes, un fameux procès face à Universal Studios pour son éventuelle connexion à King Kong aurait pu les lui couper – un avocat providentiel, John Kirby, sauve là encore la filiale américaine. N’y voyez pas de mesquinerie de la part de la firme de Kyoto : quelques années plus tard, pour le remercier, un célèbre héros, certes rondouillard mais bien-aimé, portera son nom.

Donkey Kong Jr.
Mario dans le rôle du tortionnaire, les Game&Watch et le reverse-engineering d’Ikegami Tsushinki

01-donkey_kong_jrCe qui s’est apparenté à un pur sauvetage, un inespéré plan B aux conséquences inattendues, a en définitive révélé aux yeux du monde entier trois personnages au centre de Nintendo : Mario, Donkey Kong et… Shigeru Miyamoto. Il faut capitaliser sur ce soudain succès et le 1er août 1982, Mario rempile pour de nouvelles aventures – Donkey Kong Jr. est né. Mais cette fois, il compte bien ne pas se faire tourner en bourrique par ce gorille au nom prédestiné – cadenassé dans sa cage, Donkey Kong est désormais aux mains d’un Mario revanchard, qui fouette allègrement les alligators pour barrer la route à sa jeune progéniture venue le secourir. Ce rôle de tortionnaire, Mario ne l’aura plus jamais.

Revitalisant la série, ce changement de protagoniste est aussi l’alibi parfait pour oser de nouvelles expériences de gaming – le jeune gorille passe habilement de lianes en lianes, saute sur des plates-formes mouvantes et enfonce des clés dans des serrures là où l’actuel geôlier se contentait d’une panoplie de mouvements plus limitée. Autant d’éléments fondateurs qui se verront déclinés et réinterprétés par la suite.

Mais capitaliser sur Donkey Kong, c’est aussi le décliner à d’autres supports, au premier rang desquels figurent les Game & Watch de Gunpei Yokoi, sur lesquels nous revenons dans cet article. Et l’histoire a le don de se répéter : si le premier Donkey Kong valut à Nintendo le retentissant procès contre Universal Studios, sa suite directe lui joue un tour similaire face à Ikegami Tsushinki, la firme qui avait développé le premier opus et dont il fallut passer le code à la moulinette du reverse-engineering pour aboutir au titre qui nous intéresse aujourd’hui.

Double Dragon II: The Revenge
La création de Data East et de Technos Japan, le portrait de Yoshihisa Kishimoto

01-double_dragon2« La revanche ». Il faut croire que les développeurs de Double Dragon II: The Revenge sont allés jusqu’à exprimer dans le titre de leur superproduction de l’époque toute la rage qu’ils ressentaient face à l’industrie du jeu vidéo et à ses acteurs d’alors. Paru en Europe en 1990, soit avant l’adaptation du premier épisode sur NES, il s’agit de l’un des beat-em-up les plus cultes de tous les temps. Au centre d’un tel projet se trouve Yoshihisa Kishimoto (lisez sa biographie rédigée par Florent Gorges !) qui s’est peu ou prou inspiré de sa propre adolescence pour mettre en scène la série des « Kunio-Kun », des jeux cultes au Japon qui auront finalement touché tous les genres, en marge de la pure castagne.

Mais pour évoquer son parcours, il faut également revenir sur la fondation de la société Data East Corporation et ses nombreux apports au monde du jeu vidéo, notamment le système de cartouches interchangeables DECO Cassette System. Puis il faut s’arrêter sur la création de Technos Japan, le mythique éditeur de ces séries à succès dont le fameux Double Dragon II: The Revenge qui nous intéresse aujourd’hui.

Une chose est sûre : les sauts millimétrés sur des rouages en mouvement, des tapis roulants ou des plates-formes qui disparaissent doivent résonner, aujourd’hui encore, comme de terribles épreuves initiatiques dans le cœur de tous les joueurs. Vous saurez à qui vous devez vous en prendre !

Dr. Mario
La naissance de la Game Boy, l’émergence du puzzle-game, Alexey Pajitnov, Takahiro Harada et Hirokazu Tanaka

01-dr_marioLe 21 avril 1989 au Japon, puis le 28 septembre 1990 en Europe, c’est l’heure du grand switch : avec la naissance de la Game Boy, fusion parfaite entre les Game & Watch miniatures et transportables et la NES avec sa puissance et ses cartouches interchangeables, Nintendo marque définitivement de son empreinte le monde des jeux vidéo et révolutionne notre manière de jouer. Derrière la console se tient évidemment Gunpei Yokoi, encore lui, mais la machine participe également à populariser un genre : le puzzle-game.

Si l’on s’autorise cette digression en évoquant la Game Boy alors que l’on parle avant tout des 30 jeux les plus mémorables de la NES, c’est parce que Dr. Mario, conçu et pensé comme un palliatif à l’indétrônable Tetris, est l’un des rares jeux à bénéficier au Japon d’une sortie simultanée sur la console portable et la Famicom, le 27 juillet 1990. Aux États-Unis, la version NES devancera même de deux mois celle de la Game Boy.

Ce nouvel épisode nous permet donc d’aborder la naissance de la Game Boy, la sortie de Tetris avec les relations entre Alexey Pajitnov et Nintendo, mais aussi la participation au développement de Dr. Mario de deux personnalités importantes : Takahiro Harada à la programmation et Hirokazu Tanaka au son. Enfin, nous évoquerons les versions « beta » de Dr. Mario, alors appelées Virus, qui ont été révélées en 2012 suite à l’analyse d’anciennes ROM.

Excitebike
L’éditeur de niveaux, le Famicom Data Recorder et Famicom BASIC Keyboard

01-excitebikePourquoi la NES ne serait-elle pas capable d’offrir des sensations fortes ou d’injecter une goulée d’adrénaline dans nos veines, où les cheveux au vent, on frôle la mort dans des descentes vertigineuses et des sauts millimétrés ? Parmi les tout premiers jeux qui accompagnent son lancement le 1er septembre 1986 en Europe, Excitebike est l’un des plus ambitieux de l’époque. Courses à obstacles, compétitions face à l’IA de la console et même éditeur de niveaux : le jeu préfigure les grands canons du genre et donner autant à voir qu’à vivre.

À bien des égards, Excitebike résume à lui seul les ambitions de Nintendo au lancement de sa NES : proposer une expérience de jeu immersive, offrir de vraies sensations que les joueurs réinterprètent et s’approprient selon leurs propres rêves et délivrer un matériau riche que l’on adapte à loisir.

Bien avant qu’il ne fasse l’objet d’un circuit dans le DLC de Mario Kart 8, Excitebike est directement conçu par Shigeru Miyamoto. Au Japon, son éditeur de niveaux est conçu pour enregistrer les créations sur un périphérique original, le Famicom Data Recorder, susceptible de s’accompagner du Famicom BASIC Keyboard – un véritable arsenal pour découvrir la programmation. Le jeu implique par ailleus une grande partie de l’équipe emblématique de Nintendo, dont Toshihiko Nakago, Minoru Maeda, Takashi Tezuka et Koji Kondo

Final Fantasy
La naissance de la saga, Hironobu Sakaguchi, Yoshitaka Amano, Nobuo Uematsu, Koichi Ishii

01-final_fantasyS’il ouvre l’une des plus célèbres séries des jeux vidéo, cet épisode inaugural aurait aussi pu être le dernier – il doit d’ailleurs son titre à une forme de pessimisme de la part de sa jeune équipe, qui n’y voyait que le baroud d’honneur de leurs quelques oeuvres précédentes.

Sacralisant le J-RPG, Final Fantasy consacre également une série d’artistes de génie. Dans cet épisode, nous allons passer en revue les portraits de Masafumi Miyamoto, le fondateur de Square, de Hironobu Sakaguchi, le mythique créateur de Final Fantasy, de Koichi Ishii et Akitoshi Kawazu les game designers, de Yoshitaka Amano l’illustrateur et character designer et de Nobuo Uematsu le compositeur. Une fine équipe qui marquera à jamais les jeux vidéo !

Galaga
La fondation de Namco, Masaya Nakamura, Pac-Man de Toru Iwatani et l’essence du shoot-em-up par Shigeru Yokoyama

01-galagaFigurant parmi les shoot-em-up les plus emblématiques de l’histoire des jeux vidéo, Galaga n’est pas le premier jeu du genre mais il a largement contribué à en définir les codes et les émotions. Il s’agit en réalité du second épisode de la saga initiée avec Galaxian, sorti en octobre 1979 soit un an après Space Invaders. La version NES est dirigée par Shigeru Yokoyama, qui, après avoir notamment travaillé sur d’autres séries populaires comme Time Crisis ou Ridge Racer, entretiendra par la suite un lien très étroit avec Nintendo en étant à l’origine de la version Wii U de Super Smash Bros.

Mais l’histoire de Galaga est aussi celle de Namco, à commencer par celle de son charismatique et ténébreux fondateur, Masaya Nakamura. De deux ans l’aîné de Hiroshi Yamauchi, il va être l’un des rares hommes d’affaires à tenter un bras-de-fer avec le patron de Nintendo. Nous revenons ici sur cette affaire et plus généralement sur les grands apports de Namco au panthéon des jeux vidéo, en particulier Pac-Man conçu et développé par Toru Iwatani.

Ghosts’n Goblins
La fondation de Capcom et le destin de Tokuro Fujiwara et Yoshiki Okamoto

01-ghosts_n_goblinsIl paraît que certains en parlent encore la nuit, dans les quelques minutes de sommeil qu’ils arrivent parfois à arracher au terrifiant souvenir d’avoir, un jour, emprunté l’armure du chevalier Arthur : Ghosts’n Goblins est réputé pour sa difficulté insurmontable, celle capable de séparer les simples mortels des véritables pros de la gâchette. Chaque mètre gagné est un accomplissement, tant les périls surgissent à chaque pixel et les sauts millimétrés testent votre dextérité. Mais réduire ce petit bijou à sa seule difficulté serait faire injure au talent de ses développeurs ; il fallait bien déployer un trésor d’inventivité pour marquer, certes au fer rouge, une génération de joueurs par-delà les décennies.

D’autant plus que leur histoire est passionnante : dans cet épisode, nous revenons sur la fondation de son éditeur, Capcom, et surtout sur la personnalité de deux de ses illustres développeurs : Tokuro Fujiwara et Yoshiki Okamoto. Transfuges de Konami où ils ont fait leurs premières armes, ils forment l’équipe de base de Capcom et y connaîtront des destins phénoménaux. Le premier est donc l’auteur de Ghosts’n Goblins et on le retrouvera dans d’autres jeux ou séries cultes, comme Commando, DuckTales, Resident Evil et Mega Man 2. Quant à Yoshiki Okamoto, il sera à l’origine de 1942, Gun Smoke puis coup sur coup de Final Fight et de Street Fighter II (c’est le cas de le dire).

Gradius
La troisième voie du shoot-em-up, Machiguchi Hiroyasu, le Bubble System et le Konami Code

01-gradiusPar leur attrait commercial pour les exploitants de salle mais aussi la passion qu’ils déchaînent auprès d’une communauté de fans largement acquis à leur cause, qui rivalisent d’adresse et de dextérité pour les maîtriser dans leurs moindres aspects, les shoot-em-up ont définitivement le vent en poupe dans la première moitié des années 80. Taito a ouvert le bal avec son Space Invaders en 1978, Namco a répliqué avec son Galaga puis son Xevious en 1981 et 1983, il y avait la place pour un troisième acteur dans ce duopole.

Après plusieurs tentatives plus ou moins auréolées de réussite, c’est Konami qui s’immisce définitivement dans la brèche grâce à Machiguchi Hiroyasu et son Gradius. « À cette époque, on a tous eu le sentiment que, si on allait créer un shoot-em-up, il fallait surpasser Xevious, » indique-t-il. Et à bord de l’emblématique Vic Viper, déterminé à faire battre en retraite l’empire Bacterian, il va renouveler considérablement le genre. On se souvient notamment de l’inventif système de power-up, avec une jauge que l’on fait progresser en récoltant des options laissées par les débris des vaisseaux ennemis – il y aura aussi une véritable maîtrise technique, rendue possible par de nouveaux circuits imprimés conçus par Konami, le « Bubble System ». Et enfin, la version NES qui nous intéresse aujourd’hui est aussi celle qui a introduit un élément désormais incontournable de la culture populaire : le Konami Code.

Ice Climber
Le scrolling vertical, R&D2 de Masayuki Uemura, Kenji Miki, Tadashi Sugiyama et Kazuaki Morita

01-ice_climberUn vent nouveau s’abat sur la console de Nintendo, et il est plutôt du genre polaire. Mais pas d’un froid glacial qui vous bloque l’échine et qui proscrit tout mouvement – au contraire une douce brise qui revigore un genre et qui balaie des facilités déjà trop accumulées. Figurant dans le line-up du lancement de la NES en Europe mais développé dès 1984 au Japon, Ice Climber introduit en particulier le scrolling vertical, un élément fondateur qui sera sans cesse réinterprété par la suite.

Outre l’aspect attachant de ses deux héros eskimos, Popo et Nana, le jeu favorise un regard transverse sur l’état de Nintendo dans cette première moitié des années 80. Il impose notamment l’équipe de Masayuki Uemura, le patron de la division R&D2, avec une série de personnalités emblématiques. On pense en particulier à Kenji Miki, son bras droit immédiat, mais aussi à Tadashi Sugiyama, alors un jeune programmeur qui connaîtra ses heures de gloire sur Zelda II, Super Mario Kart et même Wii Fit, et à Kazuaki Morita, qui voit dans Ice Climber son « tour de chauffe » avant de prendre part à la quasi-totalité des épisodes de Link sur les consoles Nintendo.

Kid Icarus
Yoshio Sakamoto et son Metroid, le marathon de Toru Osawa et la fine équipe de R&D1

01-kid_icarusUn ange passe. Le département R&D1 de Gunpei Yokoi s’impose comme l’un des plus actifs de Nintendo et devient un considérable vivier de talents, qui s’expriment tout autant du côté du character design que de la programmation ou de l’illustration sonore. Après avoir évolué sous la houlette de Shigeru Miyamoto, en particulier pour le design de Donkey Kong Jr. et du Game & Watch de Donkey Kong, un jeune artiste prend du galon et se voit confié sa première œuvre personnelle. Son nom ? Yoshio Sakamoto, le créateur de Metroid, une œuvre qui emprunte autant à Super Mario Bros. pour sa maîtrise de la plate-forme qu’à The Legend of Zelda pour ses armes à collecter et les évolutions du personnage.

Mais Gunpei Yokoi souhaiterait plancher en parallèle sur un autre projet qui exploite les mêmes bases technologiques que Metroid, tout en offrant un véritable contrepoint à son univers sombre. Un seul développeur planche à son développement, à l’origine : Toru Osawa. Seul dans la moiteur de l’été japonais de 1986, il imagine une odyssée grecque où les dieux cohabitent avec les hommes et les anges avec les sorcières. De retour de ses congés après la fin du marathon de Metroid, Yoshio Sakamoto épaule le jeune développeur et rappelle toute son équipe. S’en suit une colossale course contre-la-montre où les nuits blanches succèdent aux heures supplémentaires pour terminer le projet à temps. Le résultat est l’un des jeux de plates-formes les plus originaux de l’époque, à l’univers loufoque et décalé mais aussi à la grande difficulté.

Dans cet épisode, plongez dans les coulisses de ce développement haletant, qui tire le meilleur de ces artistes atypiques dont vous trouverez le portrait : Yoshio Sakamoto et Toru Osawa bien sûr, mais aussi Hiroji Kiyotake au character design, Makoto Kano au scénario, Hirokazu Tanaka à la composition sonore et Hirofumi Matsuoka au game design.

Kirby’s Adventure
Le héros de Masahiro Sakurai, l’hommage à John Kirby, la cartouche la plus avancée de la NES

01-kirbys_adventureLa Game Boy séduit un public très varié, tout autant composé des hommes d’affaires qui avaient présidé à la création des Game & Watch que de grands débutants ou de jeunes enfants. C’est précisément pour s’adresser à ces derniers que Nintendo commande en 1990 à HAL Laboratory un jeu d’action-aventure facile à appréhender. La tâche sera confiée à Masahiro Sakurai, un jeune prodige des jeux vidéo entré à 17 ans seulement chez HAL Laboratory et qui prend en charge le projet deux ans plus tard. Le temps des premiers concepts, il remplace le sprite de son héros par un simple cercle, jurant qu’il le corrigera par la suite. Sans le savoir, il vient en réalité d’esquisser la silhouette de l’un des personnages les plus drôles et amusants des jeux vidéo.

C’est peut-être un hommage maladroit, mais il est sincère : le rondouillard Kirby doit son nom à John Kirby, l’avocat qui avait défendu Nintendo face à Universal Studios dans son procès pour Donkey Kong. Kirby’s Dream Land, un jeu de plates-formes simple et attachant, sort sur Game Boy le 27 avril 1992. Désormais plus aguerri aux techniques de développement, Sakurai s’occupe du portage de son héros sur la vénérable NES, qui vit ses dernières heures alors que la Super Nintendo entre déjà dans les foyers. Le résultat ? Un jeu tout aussi drôle et accessible au plus grand nombre, avec un challenge toutefois plus contrasté grâce à la possibilité de voler les pouvoirs des ennemis rencontrés. Si Kirby’s Adventure est l’une des dernières cartouches de la NES, au sens propre comme au sens figuré, c’est aussi l’une des plus avancées techniquement : elle pèse 768 Ko, une somme pour l’époque, et comprend de nombreuses puces MMC3.

Mario Bros
Les tuyaux, la plomberie, un frère Luigi et des Koopas : le prototype du gameplay et de R&D4

01-mario_brosSeul. Enfin seul. Après avoir partagé l’affiche avec l’épais gorille durant ses deux premières aventures, Mario se voit finalement intronisé seul véritable héros. Dans cet épisode, l’action se déroule toujours sur un écran figé mais le héros gagne peu à peu ses codes et sa mythologie. Il y a tout d’abord les fameux tuyaux, à l’origine une astuce pour relier le haut et le bas de l’écran et ainsi permettre aux adversaires de déambuler sans cesse tant qu’on ne les a pas battus. Et ces adversaires, justement, arborent une silhouette qui fait figure d’emblème au sein de la saga de Mario : ce sont les fameux Koopas, ces tortues qu’il faut pour l’heure frapper par en-dessous avant de donner le coup final par-dessus. Et puisqu’il y a tant de tuyaux à l’écran, Mario gagne aussi une profession, celle de plombier, ainsi qu’un frère qui, pour des raisons techniques, n’est à ce stade que son jumeau parfait.

Orchestré par Shigeru Miyamoto sous le précieux regard de Gunpei Yokoi, Mario Bros. n’est probablement pas l’épisode le plus mémorable de la saga et parait rétrospectivement plutôt rudimentaire, mais il pose les bases du gameplay et des éléments graphiques qui seront fondamentaux pour la suite de ses aventures. Ce sera aussi le dernier galop d’essai de Miyamoto avant de prendre la tête de son propre groupe de développement, le R&D4.

Mega Man 2
Capcom, Akira Kitamura et Keiji Inafune, l’épisode développé « sur le temps libre »

01-megaman2Demandez à un ami de penser à un outil et une couleur, il vous répondra vraisemblablement « un marteau rouge », selon une étude qui stipule que près de 98% des candidats choisissent cette combinaison. Demandez-lui d’élire son épisode préféré de la saga des Mega Man et selon un pourcentage tout aussi proche, il vous répondre assurément « Mega Man 2 ». Tel le divin enfant, le robot métallique est apparu le 24 décembre 1988 au Japon dans ce second épisode cultissime. Il aurait toutefois pu être le dernier de la saga ou même ne jamais voir le jour, à en juger par le faible engagement de Kenzo Tsujimoto, le PDG de Capcom, déçu par les ventes du premier opus et qui consent, sur les supplications de ses troupes, qu’ils remettent en scène le robot bleuté « s’ils travaillent sur leur temps libre ».

Au centre de cet épisode se joue aussi la paternité du robot. Deux hommes se la disputent, Akira Kitamura et Keiji Inafune, dans une la lutte fratricide qui rappelle celle du Dr. Wily et du Dr. Light, tant se prévaloir de la création de Megaman reste l’un des plus beaux pedigrees de l’industrie. Dans cet épisode, vous découvrirez l’impact de chacun d’entre eux ainsi que les multiples ressorts de la création de cet épisode, même si (spoiler alert) comme l’affirme justement Florent Gorges, « si l’un est son père biologique, l’autre est son père adoptif ».

Metroid
La quête de féminité de Yoshio Sakamoto, l’univers gigerien et la naissance des metroidvania

01-metroid« Je respecte énormément Shigeru Miyamoto et je pense que c’est un créateur fabuleux. Mais mon objectif initial était de développer des idées que M. Miyamoto n’oserait pas affronter. Je n’allais donc pas m’aventurer sur son propre terrain – je pense que ma mission était de créer quelque chose de très différent de ce que fait M. Miyamoto, » dira Yoshio Sakamoto à l’ECTS de 2003, en portant un regard rétrospectif sur la saga Metroid qu’il a lancée dix-sept ans plus tôt. Au sein de Nintendo, il a tout connu et aura successivement fait ses classes auprès de Satoru Iwata pour « Balloon Fight », puis de Shigeru Miyamoto avec « Donkey Kong Jr. » et enfin de Gunpei Yokoi, l’éternel mentor, dans de multiples œuvres de R&D1.

La fatalité alphabétique de notre série d’articles nous aura poussés à évoquer Kid Icarus avant ce Metroid auquel il semble répondre comme le ying et le yang, un univers lugubre et angoissant et un monde céleste où les anges côtoient les dieux. Les deux créations sont en réalité peu ou prou issues de la même talentueuse équipe, avec Sakamoto à sa tête et un quatuor bien déterminé à marquer son époque – Makoto Kano au scénario, Hirofumi Matsuoka et Hiroji Kiyotake au character design et Hirokazu Tanaka à la partie sonore. Avec la trouvaille d’un scrolling multidirectionnel et d’un inventaire qui grossit au fil des pérégrinations de son héros (… vraiment ?) dans des décors d’inspiration gigerienne, Metroid marquera profondément l’histoire des jeux vidéo au point de créer son propre genre avec une autre saga qui partage des ambitions tout aussi grandes, les « metroidvania ».

Ninja Gaiden – Shadow Warriors
La fondation de Tecmo, Masata Kato et Hideo Yoshizawa, les cinématiques et la difficulté

01-ninja_gaidenUn double titre pour un double développement : Ninja Gaiden (Shadow Warriors en Europe, donc) a fait l’objet d’une sortie quasi-simultanée sur arcade et sur NES, mais les deux équipes concurrentes au sein de Tecmo ont choisi des voies diamétralement opposées bien qu’elles travaillaient au même étage de la société. Et tel le sensei guidant ses jeunes disciples, la version NES a servi de terrain d’entraînement à deux grands noms du jeu vidéo, Masata Kato et Hideo Yoshizawa.

C’est en septembre 1964 qu’Akirahito Kakihara, avec un sérieux goût des affaires inscrit dans son ADN, lance la société qui deviendra plus tard Tecmo, au gré de multiples changements d’objet social. Au début des années 80, c’est la jeune pousse qui monte : le bruit se répand parmi les jeunes étudiants des facultés japonaises que c’est un éditeur qui commence à compter. Toujours aiguillé par son sens du business, Kakihara sent que le thème des ninjas a le vent en poupe en Occident – il lui faut non pas, mais deux jeux sur le sujet, à l’image d’autres concurrents qui s’étaient également engouffrés dans la brèche.

Dans cet article, retrouvez l’histoire de la fondation de Tecmo, mais aussi les raisons qui ont poussé Masata Kato et Hideo Yoshizawa, deux de ces jeunes étudiants venus faire leurs premières classes chez cet éditeur, à développer un titre aussi novateur et mémorable autour de ce qui n’apparaissait que comme une commande. Ninja Gaiden se démarque en effet tout autant par ses scènes cinématiques très ambitieuses pour l’époque, son goût pour la narration mais aussi sa difficulté légendaire, de celle qui sépare le commun des mortels des purs dieux du paddle.

Pac-Man
De William Leymergie à une part de pizza, le parcours de Toru Iwatani, Devil World

01-pac_man« Rond comme un ballon, et plus jaune qu’un citron, c’est lui Pac-Man, » disait le poète. S’il aura contribué à faire de notre William Leymergie national ce rossignol chantant (d’autres noms d’oiseaux peuvent évidemment venir en tête), le héros rondouillard se sera surtout imposé comme l’une des mascottes les plus emblématiques du jeu vidéo. Et derrière le gobeur de pac-gommes, dont la silhouette serait inspirée d’une pizza à laquelle il manque une part, se cache un humble et loyal soldat tout acquis à la cause de son éditeur Namco, Toru Iwatani. Au fond, tout est histoire d’appétit dans la saga de Pac-Man : celui de proposer un challenge fondamentalement nouveau, celui de plaire à un public auquel les jeux vidéo ne se destinaient pas encore et celui d’élever la discipline à un rang qu’elle tutoyait rarement – « concevoir des projets susceptibles de rendre les gens heureux, » selon la propre formule de son concepteur.

Décliné sur l’ensemble des plates-formes passées, présentes et à venir, le jeu se voit bien évidemment porté sur NES : il faut bien avouer que ce n’est ni l’édition la plus emblématique ni la plus originale qui soit, mais elle aura le mérite de nous servir d’alibi pour nous plonger dans la fantastique histoire de son développement et de son auteur. En filigrane, un pseudo-clone méconnu apparaît entre les lignes : il s’agit de Devil World, pour le coup développé par Shigeru Miyamoto, Takeshi Tezuka et leurs troupes, et qui en dépit des apparences aura une importance cruciale dans la suite des projets de Nintendo.

Punch-Out!!
De l’utilisation détournée d’un second écran à l’un des rings les plus loufoques de la NES

01-punch_outAre you ready for the next challenge ? S’il est célèbre pour ses contributions au hardware de l’empire Nintendo, Genyo Takeda est avant tout un homme de défis techniques, d’autant plus enclin à les relever lorsqu’ils portent en eux l’essence du gaming. Ainsi, lorsque les 3000 bornes d’origine de Radar Scope se sont vues rebadgées en Donkey Kong, puis que l’appétit gargantuesque de la firme les a complétées de dizaines de milliers d’autres, il fallait faire quelque chose du surplus phénoménal d’écrans qui commençaient à s’entasser dans les entrepôts. Aux côtés de Shigeru Miyamoto, il invente ainsi une borne d’arcade équipée de deux écrans superposés. En parallèle, il découvre une nouvelle puce capable de zoomer significativement sur un sprite à la fois. Il faut trouver une idée de jeu pour concilier les deux principes.

Le domaine du sport lui apparaît d’emblée comme le candidat idéal, et plus particulièrement celui de la boxe : il n’y a qu’un adversaire à la fois, l’intensité y règne, c’est un parfait défouloir pour une borne d’arcade avec des rounds limités dans le temps et l’écran supérieur servira à présenter le combat. Il faudra toutefois l’imagination de Miyamoto pour peupler le championnat de ces combattants loufoques, aux proportions démesurées (merci, la puce !) et aux techniques peu orthodoxes. Punch-Out!! connaîtra une suite directe, toujours en arcade, avant d’être adapté sur NES.

Sur ce nouveau ring, les capacités techniques ne sont évidemment pas les mêmes mais un esprit tout aussi burlesque plane sur cet épisode, considéré comme l’une des plus belles cours de récré de la NES. Little Mac, jeune aspirant au titre mondial, paraît bien frêle par rapport aux brutes épaisses tout droit tirées d’une bande-dessinée, mais le challenge est haletant, drôle et prenant. Qui a dit que la boxe n’était pas un art ?

StarTropics
Genyo Takeda, un jeu destiné au public américain qui brise le quatrième mur avec le joueur

01-startropicsDans notre épisode précédent, on avait laissé Genyo Takeda formidable inventeur capable de transformer un surplus d’écrans en l’un des meilleurs rings de boxe des jeux vidéo, on le retrouve aujourd’hui à la tête d’un projet tout aussi fou : superviser, depuis le Japon, un ambitieux jeu exclusivement destiné au public américain, avec tous les codes et les références que l’on est en droit d’attendre. Qui pensait que son héritage se limitait au pur hardware ?

StarTropics incarne la dernière génération des jeux NES, alors que le relais commence à être passé avec la Super Nintendo – il profite à ce titre d’un grand niveau de maîtrise technique, avec une aventure longue et colorée, dans la grande veine des Zelda et autres canons du genre. Mais c’est peut-être en brisant le quatrième mur avec le joueur, comme vous allez le découvrir dans cet article, qu’il se hisse véritablement parmi les œuvres les plus marquantes. Et, en guise de regret de ne pas l’avoir connu sous le sol français, nous allons également plonger sur la politique de régionalisation de Nintendo en Europe à l’aube des années 90.

Super C – Probotector II: Return of the Evil Forces
Les run-and-gun, Koji Hiroshita et Shigeharu Umezaki de Konami, le conflit Iran-Contra

01-probotectorDes muscles saillants dont la testostérone jaillit par tous les pores, un véritable arsenal militaire et des têtes brûlées capables de fendre les lignes ennemies sous une pluie de balles : voilà les ingrédients indispensables au genre du run-and-gun, une libre réinterprétation des shoot-em-up dont il est délicat de définir exactement l’origine même si Nintendo joue là encore un rôle de pionnier avec la borne d’arcade Sheriff, développée par Shigeru Miyamoto et Genyo Takeda. Mais dans le genre des run-and-gun, les balles ne fusent pas qu’à l’écran – les équipes de développement tirent aussi à vue et on ne fait pas de quartier. Entre Commando, développé en 1985 par Tokuro Fujiwara (le père de Ghosts’n Goblins), Ikari Warriors signé Keiko Iju pour SNK et Contra, créé par Koji Hiroshita pour Konami, la guerre des tranchées fait rage.

Pétri de références au cinéma d’action américain des années 80 (la jaquette est directement inspirée d’une pose d’Arnold Schwarzenegger dans Predator), Contra est un jeu de pure adrénaline, qui innove tant au niveau du scrolling que du maniement et du gameplay. La version NES est l’une des plus emblématiques et elle est directement conduite par Shigeharu Umezaki, qui deviendra même PDG de Konami Computer Entertainment Kobe en 1998 après avoir largement officié sur la série des Castlevania. Le jeu est également au centre d’une intense polémique, ce qui lui vaut son double titre et son remplacement original des militaires par des robots.

Super Mario Bros.
La naissance de la série culte et du « triangle d’or », avec Miyamoto, Tezuka et Nakago

01-super_mario_brosEt si c’était par lui que tout avait, fondamentalement, commencé ? Si c’était à lui que l’on devait la flamme qui anime notre passion vidéoludique, l’essence-même du plaisir de jouer, la matrice d’où a jailli notre imaginaire pixélisé ? Et si, au fond, à chaque fois que l’on allume une console, par-delà les générations et les âges, ce n’était que pour retrouver ces sensations et ces émotions où, sautillant sur place paddle en main, on a pour la première fois saisi la quintessence du plaisir vidéoludique ? Telle une lame de fond, Super Mario Bros. a tout pulvérisé sur son passage et a définitivement élevé son créateur au rang de mythe et de saint-patron de l’industrie.

Après avoir évolué dans un univers purement statique dans les écrans inertes de Donkey Kong ou de Mario Bros., le plombier prend enfin la poudre d’escampette et évolue à l’extérieur. Mais si elles avaient présidé à la création de ces nouveaux « jeux de saut », où il faut esquiver les moindres obstacles, les premières aventures de Mario ont vite été rejointes par d’autres jeux de plates-formes qui, à l’image du Pitfall! de David Crane (1982) largement acclamé. Il fallait donc à l’équipe de Miyamoto, désormais réunie en « triangle d’or » avec Takeshi Tezuka et Toshihiko Nakago à ses deux autres extrémités, se réinventer et aller plus loin encore.

Ce sera chose faite avec ce Super Mario Bros. qui a valeur d’emblème et qui pose les bases, certes de la série, mais avant tout de ce que seront les jeux vidéo depuis ce fameux 13 septembre 1985 où il est sorti. Entre contraintes techniques qui forcent l’inventivité et science du gameplay qui voit ici ses codes posés, plongez dans cet article sur les coulisses de son développement.

Super Mario Bros. 2
Des Lost Levels à Doki Doki Panic, le krach du jeu vidéo de 1983 et le duo Tanabe-Konno

01-super_mario_bros2La seconde partie des années 80 est une période charnière pour Nintendo, désormais cette hydre à deux têtes partagée entre la maison-mère à Kyoto et le monde occidental, en particulier la filiale américaine. Mais la séparation s’effectue aussi au niveau des plates-formes, entre la NES/Famicom et son Disk System au Japon et le monde de l’arcade qui constitue le marché d’origine. Et tel le plombier s’engouffrant dans de multiples tuyaux et warp zones, Super Mario Bros. 2 symbolise à lui seul cette série d’embranchements : il désigne en effet tout autant une version revue et corrigée du premier épisode qu’un jeu totalement inédit, qui constitue à bien des égards un épisode hors-série.

Dans la frénésie qui a suivi la sortie de Super Mario Bros., Nintendo décline le premier épisode à bien des projets. Outre la version arcade Vs. Super Mario Bros., avec ses niveaux plus complexes, on retrouve un épisode All Night Nippon Super Mario Bros. commandé par la célèbre émission du même nom au Japon et décliné à ses couleurs. Takeshi Tezuka supervise en quelques mois à peine Super Mario Bros. 2 (Super Mario Bros.: The Lost Levels, tel qu’on le connaîtra dans la compilation Super Mario All-Stars), essentiellement bâti comme un Reader’s Digest des niveaux les plus complexes sortis en arcade, avec un challenge particulièrement corsé. Cette version se verra retoquée par Nintendo of America, précisément parce qu’elle la juge trop difficile pour un public qui découvre à peine la console. L’histoire du krach du jeu vidéo de 1983 laisse également des traces, sur laquelle nous revenons dans cet article.

En parallèle, Fuji TV commande à Nintendo un autre jeu dédié à ses programmes : ce sera Yume Kōjō: Doki Doki Panic, un jeu totalement loufoque dans une atmosphère persane, qui verra éclore deux jeunes talents recrutés en interne, Kensuke Tanabe et Hideki Konno. Nintendo of America y verra le parfait candidat aux secondes aventures de Mario sur console NES, ce qui oblige les équipes à redévelopper le titre de manière inventive.

Super Mario Bros. 3
Le jeu total, la science du gameplay, la construction des niveaux élevée au rang d’art

01-super_mario_bros3Au fil de ses premières aventures, Mario a tour à tour endossé des habits de charpentier et de plombier, gravi des échafaudages gardés par des gorilles, sauté sur des tortues sortant de tuyaux, englouti des champignons par centaines et surtout brisé des millions de blocs. Mais à la manière des warpzones qu’il emprunte parfois, il a aussi connu un sérieux embranchement en 1986, scindant sa route entre une refonte plus corsée circonscrite au marché japonais et l’adaptation d’un jeu follement loufoque et original, passé par le regard de nouveaux développeurs. En véritable chef d’orchestre, Miyamoto conjugue le meilleur de chacun de ces épisodes pour aboutir à un titre culte, probablement l’un des jeux de plates-formes les plus aboutis de tous les temps.

Super Mario Bros. 3 est donc ce jeu total, cet art du gameplay érigé au rang de science, dans lequel l’équipe de Miyamoto exprime pleinement toute sa créativité. Il y aura ces multiples déguisements qui réinventent la manière de construire des niveaux, ces mini-jeux qui constituent autant de pauses ludiques, ces déplacements sur la carte de mondes réunis autour de thématiques, ce positionnement si minutieux des ennemis et des secrets et surtout cette atmosphère unique, cette ambiance si particulière, qui font qu’aujourd’hui encore, on est incapable de décrire précisément le moment qui nous a le plus séduit dans cet épisode. La marque d’un jeu culte, que l’on n’a pas fini d’explorer aujourd’hui !

Tecmo Bowl
La boulimie statistique au service du ballon ovale de Shinichiro Tomie et Akihiko Shimoji

01-tecmo_bowlAutant se l’avouer : Tecmo Bowl n’est probablement pas le premier jeu qui nous vient en tête lorsque l’on se remémore, du moins en Europe, les moments phares de la NES, ceux que l’on chéris tout particulièrement et dans lesquels on plonge trente ans plus tard avec un plaisir demeuré intact. Et pour cause : la cartouche n’est même pas sortie dans nos contrées, la faute au sport qui l’anime, le football américain, qui n’a jamais bénéficié ici d’une quelconque aura. Mais aux États-Unis et ailleurs, c’est un tout autre accueil qui lui est réservé : le jeu bénéficie d’un véritable culte, au point d’être toujours mis à jour 27 ans plus tard avec même quelques revendeurs spécialisés capables de graver l’EPROM hackée sur la cartouche d’origine.

Développé par l’équipe déjà responsable de Tehkan World Cup, un jeu de football sorti en 1985 qui préfigure la Coupe du Monde de 1986 au Mexique, il commence par un minutieux souci statistique. Après la conquête du ballon rond, il leur paraissait normal de passer au ballon ovale. Depuis le Japon, son créateur Shinichiro Tomie, son programmeur Akihiko Shimoji et le compositeur audio Keiji Yamagishi découvrent tout ce qui fait l’essence du football américain, un sport dont ils méconnaissaient même les règles au début du projet. Ils collectent tout type de publications et visionnent inlassablement les retransmissions des principaux matches de NFL, en passant souvent les cassettes au ralenti pour comprendre les règles stratégiques – un travail colossal, alors que la manière de filmer la discipline en 1986 restait rudimentaire, même aux États-Unis, et se focalisait essentiellement sur le porteur du ballon.

Le résultat ? Un jeu très précis et réaliste (le premier sur NES à disposer des licences de la NFL !) acclamé par un public tout acquis à la cause de ce sport et qui, aujourd’hui encore, fait l’objet d’un prodigieux culte et même de compétitions emblématiques, dont la treizième édition se tiendra le 8 avril 2017.

The Legend of Zelda
Un développement en parallèle de Mario, la soif d’espace, de liberté et d’exploration

01-the_legend_of_zeldaDéveloppé en parallèle de Super Mario Bros. par la même équipe talentueuse, le premier épisode de la saga de Link relève tout autant de la démonstration technique pour le Famicom Disk System auquel il se destine en premier lieu que du récit magistral qui sommeillait en Shigeru Miyamoto depuis son enfance. Avec son bestiaire fantastique, sa longue quête qui se déroule tant dans un univers ouvert que dans des donjons lugubres et son inventaire qui s’accroît au fur et à mesure de l’exploration, c’est l’un des univers les plus prodigieux et ambitieux de la NES qui s’offre aux joueurs le 21 février 1986. Près de vingt épisodes plus tard, on ne peut que s’émerveiller des racines si profondes posées dès cette première sortie.

Bâti instinctivement comme un contrepoint à Super Mario Bros. et son déroulement linéaire, The Legend of Zelda est une odyssée à l’exploration et à l’aventure. Il y a évidemment ces donjons à visiter et au terme desquels on reconstruit progressivement la Triforce tout en glanant de nouvelles armes, mais il y a surtout cet appétit dévorant à battre la campagne, la plaine, la montagne ou les lacs, en brûlant chaque arbuste, en déplaçant des tombes ou en allumant la mèche d’une bombe au pied de chaque mur lézardé dans l’espoir d’y révéler un secret. Une aventure phénoménale, au terme de laquelle plus rien ne sera jamais comme avant.

Zelda II: The Adventure of Link
Un second épisode radicalement différent, dirigé par Tadashi Sugiyama et Yoichi Yamada

01-zelda_iiL’accueil réservé à The Legend of Zelda est phénoménal et comme Miyamoto en a pris l’habitude avec ses sagas à succès, il lui réserve une suite sans reprendre son souffle, pour étancher la soif d’un public d’aventuriers impatients de retrouver Link. Mais les exemples sont nombreux sur NES où les seconds épisodes tranchent radicalement avec les premiers ; Zelda ne déroge pas à la règle et prend une direction artistique totalement différente, avec un challenge bien plus corsé et les codes du RPG adoptés à un niveau que la saga ne connaîtra plus jamais.

Donkey Kong a rapidement eu son Donkey Kong Jr., avec un changement de personnage, et Super Mario Bros. s’est même vu suivi de deux embranchements directs, aux couleurs très différentes : Shigeru Miyamoto réinvente les codes et ne s’assoupit pas sur ses lauriers. Mais probablement parce qu’il est déjà tout occupé à son Super Mario Bros. 3 qui constitue son chef d’œuvre sur NES, il délègue toutefois l’essentiel de la direction de ce second épisode à deux recrues de talent – la démarche avait déjà porté ses fruits avec Doki Doki Panic, transformé en Super Mario Bros. 2 – Tadashi Sugiyama et Yoichi Yamada. Ce ne sont pas des inconnus et ils avaient déjà œuvré sur Ice Climber, par exemple.

Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que Dragon Quest est passé par là et que le Metroid de Yoshio Sakamoto a réexploré la notion de scrolling, Zelda II prend un chemin très différent du premier épisode. Il s’éclate entre un gameplay hybride, écarté entre un défilement sur une carte vue du dessus et des phases d’action à scrolling horizontal, à la manière de Mario, tout en intégrant pour la première fois dans la saga la notion de magie. Souvent considéré comme le vilain petit canard de la série, probablement parce qu’il souffre de la comparaison avec le fantastique premier épisode qui avait tout bouleversé mais aussi parce qu’il introduit un très délicat challenge, il s’impose malgré tout comme une aventure passionnante et particulièrement longue.

Article rédigé par

Journaliste dans la presse spécialisée en informatique et jeux vidéo depuis 1991, j'ai une passion pour la moutarde forte, les ornithorynques et l'orthographe du mot "bathyscaphe". Retrouvez mes travaux en ligne.

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